Retrouvez l'entretien publié hier dans le Parisien.
Le fabiusien Henri Weber a-t-il raison de dire que le PS doit être « reconstruit de fond en
comble » ?
Bienvenue au club ! Nous sommes arrivés à la fin d’un cycle historique : celui du PS né à Epinay en 1971. Nous devons véritablement répondre aux évolutions du monde et de la société française. Nous devons, surtout, surmonter la triple crise que nous traversons : celle des idées, celle des alliances, celle du leadership. Nos méthodes de débat et notre organisation sont dépassées. Je plaide donc pour un véritable big-bang intellectuel qui change en profondeur le PS.
Que pensez-vous de l’éventuelle accession de DSK à la tête du FMI ?
Rappelons qu’il ne s’agit pas d’une nomination du président de la République. Il faut un consensus des Européens et un accord des Américains sur son nom. Dominique Strauss-Kahn a toutes les qualités pour occuper cette fonction. Cela peut être une chance pour la France. Mais nous avons, aussi, besoin de lui pour participer à la rénovation de la gauche…
La réussite de la politique d’ouverture de Nicolas Sarkozy vous trouble-t-elle ?
Nicolas Sarkozy nous livre une guerre de mouvement qui déstabilise, aussi, son propre camp. Au-delà des craintes que sa démarche peut susciter, je veux prendre cela comme une invitation à l’initiative.
Nous verrons ainsi si la volonté de réforme affichée par le nouveau pouvoir correspond à une manœuvre pour nous affaiblir, ou à une sincère volonté de dialogue et de modernisation de notre vie parlementaire et politique. Prenons Sarkozy au mot, et soyons, nous, à l’initiative. En proposant, par exemple, une vraie réforme de nos institutions. Car les idées ne manquent pas : création à l’Assemblée de nouvelles commissions, répartition des présidences de commission à la proportionnelle, renforcement des pouvoirs de contrôle et d’initiative des députés, suppression du 49-3, suppression du droit de dissolution…S’agissant de l’ouverture, il faut distinguer les simples débauchages des modestes mais véritables changements, telle l’attribution de la présidence de la commission des Finances à un membre de l’opposition. Cependant, la rénovation du rôle du Parlement relève, d’abord, d’un dialogue sincère et loyal entre la majorité et l’opposition. C’est à cette dernière de choisir ses représentants, et non au chef de l’Etat.
Vous avez dit que François Fillon, mardi dernier, avait été plutôt bon…
Pas mauvais en tout cas ! Combattre des mesures économiques et sociales que je juge injustes et inefficaces, le bouclier fiscal ou les franchises médicales, par exemple, ne passe pas par le sectarisme, l’aveuglement, le repli sur soi. Tourner le dos à la « vieille politique », c’est-à-dire à la vocifération et au rejet systématique de tout ce qui peut venir du gouvernement, nous permettra d’être demain plus audibles et, donc crédibles pour préparer l’alternative.
Vous avez dit que le plus tôt Hollande quitterait son poste de premier secrétaire, le mieux ce serait…
Toutes les difficultés que nous traversons actuellement, logiques après la sévère défaite que nous avons connue, sont amplifiées par le fait que, sur toute une série de sujets, nous n’avons jamais tranché : les retraites, le financement de la Sécu, les 35 heures, l’immigration, la sécurité, le nucléaire. Pour cela, il aurait fallu engager un processus de refondation de notre projet permettant réellement aux militants de s’exprimer. En adoptant le calendrier de Hollande, le conseil national a préféré l’immobilisme. C’est une perte de temps que nous risquons de payer très cher.
Que vous inspirent les perquisitions, dans l’affaire Clearstream, chez Dominique de Villepin ?
Laissons la justice faire son travail…Il est curieux cependant que Jacques Chirac ne soit pas entendu. Je ne vois pas en quoi sa fonction d’ancien président de la République l’exonère d’une quelconque explication si les juges en voient la nécessité dans ce dossier qui a mis en relief la violence des rapports au sein de la droite, et l’utilisation des moyens de l’Etat pour se déstabiliser mutuellement.
Quel rôle doit être dévolu désormais à Ségolène Royal ?
Elle doit participer à la refondation de la gauche, forte du lien qu’elle a noué avec les Français. Utilisons son talent et ses intuitions, qu’elle doit, bien sûr mettre au service du collectif. Si elle porte sa part de responsabilité dans la défaite, laissez-moi vous dire que je trouve indécente l’attitude de certains dirigeants socialistes qui brûlent aujourd’hui ce qu’ils ont adoré hier.
Le PS approuve t-il l’idée d’une plus grande autonomie des universités ?
L’autonomie des universités est indispensable parce qu’il faut gagner la bataille de l’intelligence. Or, nous savons tous que la France est en retard, et qu’elle doit investir massivement dans l’université et la recherche. Notre système universitaire pratique la sélection par l’échec. Plus de 40% de nos étudiants abandonnent leur cursus sans diplôme, et seuls 5% des enfants des milieux modestes accèdent aux grandes écoles : quel échec ! C’est pour cela qu’il faut sortir de la logique de l’égalitarisme, réformer en profondeur les structures et les modes de financement de l’université. L’autonomie proposée aujourd’hui n’est pas une fin en soi, mais peut être une première étape, un levier pour replacer la France, sur ce terrain clé, dans le peloton de tête des grandes nations.
Les socialistes participeront donc à ce débat avec leurs propositions, mais sans préjugés.
François Hollande critique, selon son mot, « l’omniprésidence » de Nicolas Sarkozy…
Les Français ont souhaité un président qui gouverne et agisse pour réformer. Attention à ne pas diaboliser une nouvelle fois Nicolas Sarkozy, d’autant que cela n’a pas été d’une grande efficacité ces derniers mois. Sans doute, ce nouveau rôle du président devra-t-il être inscrit dans une réforme des institutions qui renforce le rôle du Parlement, mais nous sommes en train de sortir d’une forme d’hypocrisie où le président s’abritait derrière son Premier ministre. J’ai beaucoup critiqué Jacques Chirac qui ne s’exprimait que le 31 décembre, le 14 juillet et par prompteur interposé. Je me réjouis donc qu’il y ait un président de la République actif et omniprésent. Ce qui ne signifie pas, évidemment, accaparement de tous les pouvoirs. Mais il faudra clarifier les fonctions des uns et des autres : c’est peut-être cela la VIe République !