Quel regard portez-vous sur l'intensification de la compétition ?
Le congrès s’engage dans des conditions inquiétantes, sur un mode conventionnel et daté. Les autoproclamations et la recherche de signatures comptent plus que le fond. Alors que le Président et le gouvernement sont en difficulté et qu’ils subissent une grave crise de confiance ; alors qu’il faut répondre aux conséquences de la globalisation, à la crise de l’Etat-providence et à la précarisation croissante de la société, nous nous adressons à nous-mêmes, au lieu de parler aux Français.
Le rôle du Parti n'est-il pas de sélectionner son candidat ?
Certes. Mais à ce stade, la confrontation ne repose pas sur le débat d’idées, elle se cristallise sur l’affrontement des personnalités. Le duel entre Rocard et Mitterrand, à la fin des années 1970, était rude. Mais il correspondait à un vrai débat, entre première et deuxième gauche. J’appelle à une vraie confrontation d’idées et non à une nouvelle confrontation stérile entre personnalités.
Delanoë et Royal se prévalent pourtant de différences...
Aujourd’hui, je ne les vois pas. On ne peut en rester à des concepts généraux sur la démocratie participative ou le rapport au parti. Cela ne suffit pas. Au nom de quoi quelqu’un peut-il se présenter comme plus respectueux du parti ? Le même débat s’était produit lors du congrès de Rennes, où l’on accusait les partisans de Fabius de vouloir faire du PS un parti de supporteurs…
N'est-il pas impératif de régler cette question du leadership ?
Qui peut dire qu’elle sera vraiment réglée ? Ce qui se passe actuellement va se poursuivre après le congrès. Les militants assistent, comme les Français, à ce triste spectacle avec un sentiment de déjà-vu. Et nous apparaissons tels que nous sommes : nus sur le plan idéologique.
Au chapitre des idées justement, quel est votre diagnostic ?
Nous n’avons pas fait notre révolution culturelle. Nous ne nous sommes pas suffisamment interrogés sur le déclin de la social-démocratie ou sur les limites de la «troisième voie» blairiste.
Comment jugez-vous les "reconstructeurs", qui oeuvrent à une troisième voie entre Royal et Delanoë ?
Pour éviter un affrontement violent, on nous propose une présynthèse destinée à empêcher tel ou tel, et à arranger tous ceux qui veulent préserver leurs chances pour 2012. Mais la troisième voie ne peut être le syndicat de tous ceux qui ne veulent ni Delanoë ni Royal, tout en espérant le retour de Fabius ou de DSK. Elle doit être basée sur un devoir de vérité : assumer le réformisme, réconcilier la gauche avec le libéralisme, conjuguant, ainsi, solidarité et responsabilité individuelle.
Quelle solution proposez-vous ?
Un nouveau regard sur le monde porté par une nouvelle génération. C’est le moment d’y aller. C’est vrai pour Moscovici, Montebourg, Gorce, Peillon, Hamon, Filipetti… Nous devons construire une proposition générationnelle, créer un appel d’air pour moderniser le PS, loin des combinaisons paralysantes. Parlons nous !
Place aux jeunes ?
Tout n’est pas une affaire d’âge. Mais aucun des leaders actuels du PS n’est en mesure d’incarner la rénovation. Delanoë, Aubry, Royal, Fabius, Strauss-Kahn, Hollande : où sont les têtes nouvelles ? Notre génération a été structurée par la chute du mur de Berlin, la globalisation, le 11 Septembre. Nos références ne sont ni Mai 1968, ni l’Etat providence. Il faut épouser son temps et inventer une nouvelle gauche.
Etes-vous intéressé par le premier secrétariat du parti ?
Ce n’est pas dans mes perspectives. Je ne veux pas m’autoproclamer à mon tour. On ne rassemble pas une nouvelle génération : en disant, c’est moi…