Retrouvez l'entretien publié par le Journal du Dimanche sur l'état du PS.
"UN AN DE PERDU, C'EST GRAVE"
Pourquoi critiquez-vous le processus de rénovation engagé par le PS?
Précisément parce qu'il n'est en rien un processus de rénovation! Je suis très heureux que le PS travaille, enfin, par exemple, sur la nation, un thème en effet que la gauche a abandonné à la droite. Mais au lendemain de notre troisième défaite présidentielle, c'est toute notre identité de socialiste qui est interpellée en profondeur. C'est un congrès extraordinaire qu'il fallait convoquer. Il nous aurait permis de trancher, une bonne fois pour toute, les questions essentielles - notre rapport au monde, à l'Etat, à l'entreprise, à l'individu - en associant intellectuels, associations, partenaires sociaux et sympathisants. Car une refondation ne peut pas venir d'en haut. Le processus en cours est un artifice pour ne pas prendre de décisions. Un an de perdu, c'est grave. C'est pourquoi il y a du ressentiment à notre égard.
Des choix du genre "sommes-nous un parti social-démocrate" ?
Les formules creuses, sans contenu, ne m'intéressent pas. Avec un véritable congrès, nous aurions été obligés de revoir notre déclaration de principe, qui ne correspond plus au monde tel qu'il est ; notre organisation, qui est sclérosée ; de trouver une réponse à la crise de l'Etat providence, qui ne fonctionne plus ; de s'interroger pour remettre à plat notre système de redistribution, qui n'empêche pas les pauvres d'être de plus en plus pauvres et les riches, de plus en plus riches ; de formuler des réponses face à l'éclatement des classes sociales, à la montée de l'individualisme, à la paupérisation des salariés, à la pénurie de logements ou aux violences urbaines.
Ces clarifications n'auraient-elles pas menacé l'unité du PS, comme on l'a vu sur le dossier européen ?
Au contraire ! C'est le flou et l'attentisme qui créent les cacophonies d'aujourd'hui. On vient encore de le constater face au dossier des régimes spéciaux de retraite, sur lesquels nous sommes inaudibles. Le PS crève de ses fausses synthèses au nom de l'unité.
Le discours radical de certains ne nuit-il pas à son image de parti moderne?
A l'heure où le PS doit s'ouvrir, se transformer en un grand parti de toute la gauche, comme la gauche italienne a su le faire, il serait absurde de commencer par exclure. La crise du PS est profonde mais elle vient de son manque de travail, de son incapacité à faire des choix, de son absence de leadership et, même, de notre difficulté à vivre ensemble. Pas de sa diversité. Mais il est évident que nous devons clarifier définitivement notre identité, caractérisée par un réformisme moderne et réaliste, hors de toute ambiguïté révolutionnaire !
Que pensez-vous de l'écart croissant entre les bases radicales et les leaders: pendant la grève, Bernard Thibault s'est fait siffler par les siens, par exemple ?
La désespérance sociale est profonde, les sentiments d'injustice et de déclassement grandissent face à la politique économique et sociale de Nicolas Sarkozy. Cette radicalité ne me surprend pas. Elle nous donne des responsabilités supplémentaires. Le PS doit s'engager beaucoup plus clairement aux côtés de la CFDT et de la CGT, établir avec elles un partenariat solide et durable pour inventer un nouveau contrat social. Lors du débat sur la loi Fillon de 2003, nous aurions dû soutenir François Chérèque. Saluons aujourd'hui le travail courageux effectué par Bernard Thibault. La gauche de gouvernement doit dépasser son "surmoi marxiste", qui la paralyse. Redoublons de pédagogie pour dire la vérité. Il faut dire, par exemple, que l'allongement de l'espérance de vie, phénomène heureux et incontournable, change la donne. Il nous conduira, mathématiquement, à allonger la durée de nos cotisations pour sauvegarder notre système de retraite. Et nos ressources collectives devraient être mobilisées, prioritairement, pour préserver notre système de santé, augmenter les petites retraites et favoriser la prise en charge de la dépendance de nos plus anciens.
Les élections municipales sont-elles propices à un tel travail ?
Cela devrait être le cas. Le PS ne prend pas suffisamment en compte l'expérience de ses élus. Les responsables socialistes locaux, confrontés à la réalité du terrain, de notre société, sont souvent à la pointe de l'innovation économique, sociale, éducative, culturelle. Le PS devrait, naturellement, s'en saisir. Ces élections constitueraient alors une étape majeure pour la reconquête.