Les Français viennent d’élire Nicolas SARKOZY à la Présidence de la République. Au terme d’une campagne intense qui a mobilisé les électeurs de manière civique exceptionnelle, sa victoire est incontestable. Le verdict du suffrage universel ne peut être remis en cause. Aucune manifestation de violence ne saurait être tolérée.
Si la défaite lourde de Ségolène ROYAL suscite beaucoup de déception et d’inquiétude chez les hommes et les femmes de progrès, elle ne doit pas démobiliser tous ceux et toutes celles qui refusent les choix de société de la droite. Dans six semaines, une nouvelle échéance démocratique majeure permettra d’élire les députés à l’Assemblée Nationale les 10 et 17 juin. La droite ne doit pas s’arroger tous les pouvoirs. L’équilibre de nos institutions, comme les besoins de nos concitoyens exigent que la gauche puisse siéger, en nombre et en force, à l’Assemblée nationale.
Dans la 1ère circonscription de l’Essonne, 56,4% (62% à Evry) d’entre eux ont préféré le projet défendu par Ségolène ROYAL. Appuyé sur un taux de participation record (84,4%), ce bon résultat prouve l’attachement des citoyens des six villes de la circonscription aux valeurs de la gauche.
Vote sociologique, choix fort entre deux modèles à l’issue d’une campagne indécise et parfois déroutante, l’élection présidentielle s’est révélée une fois de plus l’acte majeur de la vie politique française. Ce vote est d’abord structurant. Il dessine une France profondément modifiée par l’adhésion d’une majorité au retour de l’ordre, du mérite et de la valeur du travail. Cette aspiration du peuple n’est pas rétrograde, pas plus qu’elle n’est conservatrice. Elle correspond à la progression de l’individualisme davantage qu’à la régression des valeurs de solidarité et de justice sociale. Ce refus de l’égalitarisme se conjugue aussi avec un besoin d’autorité et de morale publique.
Ces tendances de l’opinion sont profondes. Elles viennent de loin. Elles ne signifient pas pour autant une droitisation de la société française. Cette évolution ne doit pas être interprétée comme une défaite idéologique mais comme le révélateur du retard pénalisant de la gauche à assimiler ces mouvements durables de l’opinion depuis le traumatisme du 21 avril 2002.
De fait, le résultat du 6 mai est lourd de conséquences car il souligne un affaiblissement grave de la gauche qui avoisine son score de 1995 et atteint son plus bas niveau historique au premier tour avec 36% des voix. Cette situation est paradoxale alors que la gauche a gagné les élections intermédiaires de 2004. Des explications sont certes possibles, en lien avec la division du PS sur la construction européenne ou bien avec la longue primaire afin de choisir notre candidat à l’élection présidentielle. Elles ne peuvent suffire à bien comprendre pourquoi une part de notre électorat a choisi finalement de voter pour François BAYROU au 1er tour et la défaite du 2ème tour.
Ségolène ROYAL a conduit une campagne courageuse en s’appuyant sur l’ancrage de ses élus et le dynamisme combatif et infatigable des militants de terrain. Elle a fait de son mieux pour répondre aux exigences légitimes du peuple de gauche, cette France colorée et métissée qui souhaite profiter d’une meilleure redistribution des fruits de la croissance, d’un ascenseur social en état de marche et d’un avenir pour les jeunes générations.
Elle a porté haut l’espérance de la gauche, elle a dû parfois improviser selon les circonstances, rechercher des solutions nouvelles en sortant des standards de la pensée unique. Tout cela aujourd’hui est un acquis de la période qu’il faut s’approprier et faire fructifier.
Comprendre les contradictions du peuple de France est devenu urgent.
Le PS doit évoluer dans sa lecture de la mondialisation, des mutations de la société française et de son économie et les traduire dans un projet. Cela témoigne aussi du scepticisme de l’opinion quant aux solutions du PS pour résorber le chômage et réformer le pays. Les thèmes de la rupture et du changement sont passés de la gauche à la droite.
Nicolas SARKOZY a perçu au travers de l’évolution des attentes de la société (travail, autorité) qu’il pouvait identifier la droite française autour de valeurs morales et conservatrices qu’elle avait abandonnées depuis 30 ans.
Ce constat nous oblige dans les conditions difficiles d’une défaite lourde à revoir notre stratégie pour sortir de cette logique minoritaire et ne pas compromettre nos chances lors des échéances électorales de 2008 à 2010.
Les défis futurs du PS
Le PS doit changer en profondeur dans son modèle d’organisation, son corpus idéologique et sa stratégie. Il a besoin de plus de radicalité dans son approche des problèmes et de moins de dogmatisme dans ses solutions.
Une refondation est indispensable
Le PS doit en premier lieu s’interroger sur son identité fondée il y a 36 ans au moment de son unification. Le parti d’Epinay a permis des progrès considérables et des victoires historiques. Il est arrivé à la fin de son cycle historique et surtout il a épuisé les ressources de son système d’alliance fondé exclusivement sur le rassemblement de toute la gauche. Le PS doit devenir un véritable parti social démocrate, assumant sa conversion à l’économie de marché, ouvert à tous les militants qui veulent rénover la gauche. Ce nouveau parti pourrait naître à l’issue d’un processus d’assises de la sociale démocratie permettant d’associer la société civile et les forces vives de la nation qui cherchent un débouché politique à la crise traversée par la gauche. Cet élargissement de notre base militante est fondamental, il nous faut accueillir et agréger ces forces nouvelles avec modestie et convivialité autour d’un débat sans préalable ni tabou sur les contours de la social démocratie en France et dans le monde.
Nous avons six mois, de l’été à l’automne, pour profiter de cette dynamique lors des élections municipales et cantonales. Un processus de « refondation » ou d’ « assises » doit s’enclencher rapidement pour préparer un nouvel acte fondateur et mettre ainsi le PS au centre de l’échiquier politique.
Une clarification idéologique
Le PS doit réviser ensuite son corpus idéologique pour l’adapter aux mutations de notre pays qui reste une grande puissance mondiale et qui ne se résout pas à la réduction de son rôle en Europe et dans le monde. Il serait suicidaire de laisser l’idéal républicain à la majorité présidentielle de Nicolas SARKOZY alors que pendant des mois ce fut un thème fort de campagne de Ségolène ROYAL. La nation reste dans la République française notre communauté de destin et le cadre démocratique auquel les citoyens sont profondément attachés. C’est à travers elle qu’il faut travailler d’urgence à un nouveau cours pour l’Europe, plus efficace, plus juste, plus protectrice des peuples, plus dynamique pour l’emploi et la recherche. Notre République conserve de fortes capacités d’intégration même si la régulation des flux migratoires nécessite fermeté et lucidité. Cette adhésion aux principes fondamentaux de la République suppose une pleine citoyenneté reposant sur des droits et des devoirs clairement énoncés. Il nous faudra combattre toute tentation de replier la France sur une République réduite aux acquêts. Le creuset de notre République reste l’école, à l’origine de l’égalité réelle des chances et de la transmission des savoirs, qui a besoin de moyens massifs, d’enseignants motivés et d’une ouverture sur le monde et l’entreprise favorisant la mobilité sociale et professionnelle.
La sociale démocratie doit aussi concilier cette haute conception de la République avec une puissance publique incarnant l’intérêt général, une justice indépendante et équitable, un Etat impartial respectant la neutralité des services publics, une organisation territoriale décentralisant les missions au plus près des besoins du citoyen, prenant à bras le corps la question urbaine posée dans les banlieues. Cette VIe République moderne et sociale, synthèse du progrès social, du réalisme économique et d’une démocratie authentique, peut fort bien puiser sa force et sa puissance dans une Europe de la citoyenneté aux institutions démocratisées, au service de l’emploi et de la croissance.
La sociale démocratie suppose aussi d’investir le monde de l’entreprise, de mieux comprendre sa logique de croissance rentable et profitable, ses facteurs-clés de succès sur le marché, et de le concilier avec nos préoccupations de démocratie sociale et économique. Il est possible de parvenir à un nouveau compromis social et économique à partir du moment où chacun s’inscrit dans le cadre d’un dialogue social rénové. Pour cela, encore faut-il accueillir les salariés issus du secteur privé, prêts à s’engager dans une réflexion sur les efforts d’adaptation de notre économie pour que la France joue ses atouts dans la mondialisation et les besoins de changements d’organisation qui traversent les diverses branches professionnelles.
La place de la société civile doit aussi être reconnue. Beaucoup d’acteurs de la vie quotidienne sont livrés à eux-mêmes alors qu’ils prennent des initiatives courageuses. Il nous appartient de les encourager, de les accompagner et de parfois leur proposer de développer leur action au-delà de la simple expérimentation.
Une nouvelle et véritable stratégie de rassemblement
Entre les 2 tours, la campagne de Ségolène ROYAL s’est, à juste titre, beaucoup focalisée sur la nécessité de convaincre le plus grand nombre d’électeurs de François BAYROU. Certains, à gauche, en ont tiré la conclusion qu’il fallait hâter le pas d’une nouvelle construction d’alliance du PS avec le centre. La refondation du PS et de la gauche exige de sortir des contingences électorales et des constructions d’appareils fragiles (PS) ou en gestation (Alliance démocrate de François BAYROU) pour donner au Parti Socialiste une nouvelle et véritable stratégie de rassemblement et d’alliances qui donne toute son efficacité à son nouveau projet pour la France.
L’élection présidentielle place le PS dans une situation paradoxale : quasi hégémonique à gauche, au soir du 1er tour, parce qu’il a aspiré le reste de la gauche, il n’a pas pu empêcher qu’une partie non négligeable de son électorat – de même que les Verts – choisissent le vote BAYROU.
En d’autres termes, lorsque le PS reconquiert la partie la plus populaire de son électorat – ouvriers, employés, habitants des banlieues – les cadres et salariés intermédiaires ont du mal à se reconnaître en lui, sans pour autant adhérer politiquement à l’entreprise de François BAYROU et à son « nouveau » parti.
La force de propulsion des diverses variantes d’union que la gauche à connues depuis 1971 est aujourd’hui éteinte. Au cœur de la gauche – qui ne se réduit pas encore totalement à lui -, le PS doit, de manière vitale, penser à élargir durablement son assise. Il ne pourra le faire que par la force de son projet et d’une nouvelle grille de lecture de la société et des enjeux mondiaux.
Il ne pourra le faire que si son projet tranche, enfin, entre une vision exclusivement contestatrice et ancienne du capitalisme et celle d’un réformisme fort et courageux. Et il ne pourra le faire que s’il sait se tourner vers l’ensemble des forces vives de la société – salariés, créateurs, chercheurs, chefs d’entreprise, jeunes, Français issus de l’immigration et résidents étrangers - qui veulent apporter à la nouvelle France qu’il nous faut, le meilleur d’eux-mêmes.
La nouvelle force politique dont nous avons besoin, ce n’est pas une petite pincée d’Arlette ou d’Olivier, une autre de Marie-George, de Dominique et de José et une plus ou moins grosse autre de Bayrou. C’est une mise à plat des points que nous avons marqués pendant la campagne, malgré la tristesse du résultat, et des obstacles comme des ambiguïtés que nous n’avons pas su franchir ou dépasser.
Il faut faire vite. Le désarroi est profond. Les repères se brouillent. La confusion peut s’installer. Le PS va connaître des turbulences. Cependant l’heure n’est pas aux règlements de compte, aux combinaisons hasardeuses, qui plus est sans l’implication des militants, sans congrès, sans le temps et la méthode nécessaires.
Mais agissons pour bâtir un nouveau parti social démocrate qui soit réformiste, clairement à gauche mais inscrit dans la modernité et le progrès social, qui revendique la République et de nouvelles pratiques politiques, qui demeure fidèle à son histoire et affirme sa conscience des enjeux de notre monde contemporain. L’urgence est là !