Je vous recommande la lecture de la tribune de Michel Rocard dans « Libération » de vendredi dernier qui n’est pourtant pas mon journal préféré. Il exprime, mieux que je ne pourrais le faire, mon indignation et ma colère devant le scandale de l’affaire Airbus. Comment une aventure industrielle et commerciale aussi prestigieuse peut-elle se transformer en un véritable drame humain et économique ? Certes, il doit y avoir des raisons liées à l’histoire d’EADS. C’est plus une construction inter-étatique – avec la France et l’Allemagne d’abord, puis la Grande Bretagne et l’Espagne – qu’un produit purement européen. Les problèmes de commandement, d’organisation de la production partagée entre plusieurs pays ont dû lourdement peser. Je découvre, ainsi, par exemple, que l’inorganisation est telle que le câblage des avions est fait à la main ! Mais tout cela était déjà vrai lorsque Airbus a damé le pion de Boeing il y a quelques années. Alors ?… Certes, le choix des dirigeants par Chirac, contre l’avis de Jospin, il y a 10 ans ne s’est pas fait sur une base de compétence à conduire la destinée d’un tel groupe et cela aura pesé lourd, très lourd. Voir EADS occuper la rubrique des scandales de barbouzes dans l’affaire CLERSTREAM n’est pas de nature à donner une image de confiance…
Lorsque Gallois est arrivé à la tête de cette entreprise, le drame était déjà noué, les responsables partis avec des indemnités de mammouth et les 55000 salariés dans l’incertitude absolue. Ce n’est pas le moins scandaleux. Repose maintenant sur les épaules de ce grand patron – atypique parce qu’éthique, c’est dire l’état des mœurs dans le patronat ! – la responsabilité de remettre la flotte à niveau. Que cela débute par la suppression de 10 000 emplois et que les salariés qui ont fait le succès technologique d’Airbus soient les seuls à être mis à contribution est profondément scandaleux. Cela risque, de surcroît, d’être très dangereux économiquement. On ne se sépare pas d’un tel savoir faire sans dégâts pour l’efficacité de la production.
Trois responsables doivent être mis à contribution.
1. Les gouvernements, en particulier allemand et français. Le problème n’est pas de nationaliser Airbus mais de garantir la part publique, minoritaire mais stratégique, que les Etats détiennent et d’investir dans la recherche. Dire que sauver Airbus n’est pas le métier de l’Etat est inconvenant. Ou alors, il faut que l’investissement privé s’engage à fond.
2. L’investissement privé, parlons en justement ! Rompant avec la stratégie de son père, le fils Lagardère décide de se retirer parce que l’aéronautique est moins juteuse. Et Chrysler fiche le camp également. Et on laisserait faire sans rien dire ? Ou bien le capitalisme a un minimum de sens des responsabilités ou bien c’est Arlette Laguiller qui va finir par avoir raison… Que l’on vienne pas nous dire qu’investir dans Airbus n’est pas rentable ! A cet égard, il y a une similitude avec Altis. Elle occupe un créneau décisif dans les semi-conducteurs mais son drame est que ses 2 actionnaires sont aussi ses 2 seuls clients. Infinéon et IBM s’en vont et Altis est menacée de tomber à l’eau. Et si la puissance publique n’avait pas pris l’initiative de se mettre en chasse de nouveaux investisseurs – à commencer par la Région et le Département – Altis fermerait à coup sûr. Je me réjouis, à cet égard, de l’initiative prise par 8 Régions françaises de vouloir entrer dans le capital d’Airbus. C’est un bon chemin que des Régions dirigées par la droite – UMP et UDF unies – n’auraient pas pris.
3. Reste l’Europe et son absence totale de stratégie industrielle. Qu’Airbus ne soit pas à proprement parler une création européenne n’exonère pas la Commission européenne d’initiative. Or, le Commissaire européen chargé des transports, le Français Jacques Barrot, centriste parmi les centristes, ne porte aucune stratégie offensive sur ce dossier. S’il fallait revoter aujourd’hui sur le Traité constitutionnel, j’imagine le vote que les peuples allemand, français, britanniques et espagnols émettraient. L’Europe serait morte parce que politiquement et économiquement absente pour défendre ses intérêts vitaux !
Quel gâchis ! J’ai quand même un motif de satisfaction dont, certes, tout le monde se serait bien passé : le dossier Airbus permet – enfin !- de commencer à aborder les enjeux de fond de la prochaine élection présidentielle.
Ce qui se apsse avec Airbus est scandaleux. Nous avions l'une des meilleures technologies au monde et nous gâchons tout. Dire que les Forgeard, les Gergorin, tous ces aventuriers qui ont précipité EADS dans cette sale situation dorment tranquilles.
Ce n'est pas normal, quand même !
Rédigé par : Roger | 11 mars 2007 à 19h20