Sachons faire preuve de franchise et de sincérité dans la préparation et dans la tenue de notre congrès. C’est sur ce qu’il produira que les Français et les forces de progrès jugeront si nous avons vraiment changé. Si nous nous intéressons d’abord aux problèmes de la France et aux enjeux de la planète. Si nous avons quelque chose d’intelligent et d’utile à dire. Si nous sommes mieux à même que la droite de redonner à notre peuple la confiance nécessaire dans sa capacité à faire face aux défis immenses de ce siècle naissant.
Et trois années ne seront pas de trop, d’ici la fin de 2011, pour mettre en œuvre nos décisions et, ainsi, pour faire nos preuves !
Délices tactiques
Je ferai tout pour donner cette force au congrès de Reims. Honnêtement, nous avons encore du chemin à parcourir pour atteindre l’objectif. Je me refuse à juger les initiatives de tels ou tels de mes camarades socialistes. Je sais qu’ils ont la même conscience que moi que le parti socialiste est à un moment crucial pour lui-même, pour l’avenir de la gauche et pour le pays. Mais j’éprouve le même sentiment que beaucoup d’adhérents. Si je n’ignore rien des « délices » des tactiques de congrès, je sais également qu’ils peuvent ruiner une espérance de renouveau lorsqu’ils prennent le dessus. Je suis confiant mais le danger n’est pas écarté…J’étais déjà sceptique devant le pilonnage de certains qui, la main sur le cœur, exhortaient les socialistes à refuser « la guerre des présidentiables » pour…préserver les chances des leurs ! Depuis quelques jours, je découvre que les mêmes se mettent plus ou moins explicitement sur les rangs. C’était donc cela l’appel aux militants à ne pas se laisser voler leur congrès ? On a joué à faire peur aux militants sur le thème du « duel qui allait écraser le congrès » et on se retrouve aujourd’hui avec de quoi faire une partie de tarot à cinq présidentiables… L’ami Fabius raillait toutes ces candidature possibles en disant que ce n’était pas grave tant que tous les adhérents n’étaient pas candidats ; le voilà qui en promotionne une nouvelle pour chauffer la place pour lui-même… J’ai même appris qu’un camarade, que j’apprécie beaucoup, s’est engagé à ne pas être candidat à la présidentielle en 2012 (après avoir dit que ce n’était pas le sujet) s’il était premier secrétaire puisqu’il voulait être premier ministre ! Mais de qui d’ailleurs ?? A titre de plaisanterie, je suggère que dans nos statuts, nous indiquions dorénavant le profil ministériel théorique requis pour pouvoir postuler à une fonction de direction dans le parti…
Soyons sérieux
Plutôt qu’un congrès d’empêchement, un congrès de « ni-ni », bref un congrès négatif qui perpétuerait l’immobilisme, l’individualisme, la confusion politique dans lesquels nous sommes engoncés depuis des années, je veux apporter ma pierre à un effort collectif pour faire réussir un congrès qui choisit, qui décide, qui légitime une équipe de direction forte et cohérente et qui, au bout du chemin démocratique, permette aux adhérents de choisir naturellement, tranquillement, leur leader.
Nous allons bientôt adopter une nouvelle déclaration de principes. Grâce au travail de tous, elle constitue les nouvelles fondations de notre maison commune. Elle montre que la diversité des approches du socialisme démocratique n’empêche pas de travailler ensemble.
Mais ne faisons pas comme si l’essentiel était dorénavant réglé avant même l’ouverture du congrès, réduisant celui-ci à définir des règles pour maîtriser entre nous le processus présidentiel.
Notre congrès doit, au contraire se hisser à la hauteur des ambitions de notre déclaration de principes. Alors, débattons vraiment du fond. Et faisons-le sincèrement, sans avoir peur, sans chantage à je ne sais quelle orthodoxie. Delanoë a commis un livre dans lequel il exprime son point de vue sur le rapport qui existe entre le socialisme et le libéralisme. Moi qui suis de formation marxiste, j’ai bien sûr été d’abord surpris, d’autant que j’opère moi aussi depuis des années un « glissement sémantique » entre capitalisme et libéralisme. Au fond, dans le langage socialiste courant – surtout au moment d’un congrès (ça se gagne toujours à gauche bien sûr un congrès socialiste, surtout à Liévin en 1994 lorsqu’Henri Emmanuelli a appelé Delors à se présenter à la présidentielle !) – « libéral » c’est presque pire que capitaliste. Et pourtant, qu’est ce que ce pouvoir a de libéral ? Qu’est ce que la droite a produit d’avancées libérales dans la société depuis 1968 ? Qui veut éradiquer la culture de ce mouvement de libération qui ne s’est pas éteint depuis 40 ans ? Est-ce elle qui a aboli la peine de mort ? Qui a fait progresser le féminisme, les droits sociaux, la décentralisation ? Qui a fait progresser les droits de homosexuels ? La droite s’apprête-t-elle aujourd’hui à adopter le droit de vote des étrangers aux élections locales ?
Allons plus loin encore
En prenant l’initiative de ce débat – qui est un vrai débat de fond, même si tout le congrès ne doit pas se faire sur cette seule question – Delanoë a posé au fond la question du but du socialisme DE CE SIECLE face à l'offensive politique de la droite: c'est celui de la réconciliation entre le progrès collectif, la justice pour tous, l'égalité, la solidarité (autant de valeurs collectives) ET l'aspiration des individus, qui devient irrépressible, à leur épanouissement propre, au respect, non seulement de leur libre arbitre, mais également de la reconnaissance de leurs capacités personnelles à créer, à innover, à choisir. C'est là dessus que, fondamentalement, Sarkozy a gagné en 2007 et que nous avons été battus. C'est le sens de ses attaques réussies sur les 35 heures, l'école, les retraites, la santé, le travail. Il a réussi à nous faire passer pour des passéistes insensibles aux nouvelles aspirations populaires et à les détourner de leur sens. Il a prôné l’individualisme pour le mettre au service du pire des conservatismes. Il a gagné. Et il ne faudrait pas que l’on y réfléchisse ???
Si nous laissons le vers dans le fruit, c'est à dire si nous ne disputons pas à la droite ce que nous n'aurions jamais dû lui laisser: le libre épanouissement de chacun en société est la vraie conquête du socialisme, la soumission aux dogmes du capitalisme financier est la vraie nature des forces faussement libérales; si nous considérons que l'idéal socialiste est suffisamment ancré dans l'imaginaire populaire pour n'avoir aucun effort à faire pour en redéfinir le sens réel dans le réel d'aujourd'hui et si, de surcroit, certains pensent avant tout pouvoir en faire un sujet polémique pour une tactique de congrès, nous ne regagnerons pas avant longtemps la confiance dans une alternative à la droite et au conservatisme moral, social et économique.
Pierre Moscovici propose d’ajouter aux 10 chantiers de François Hollande un onzième : la relance du travail intellectuel du parti socialiste. Comme je partage ce point de vue !
Mais alors, soyons, là encore, d’une totale franchise : notre mode de fonctionnement doit être profondément transformé si nous ne voulons pas perpétuer les graves insuffisances de travail collectif, d’innovation, d’ouverture à ce qui bouge dans la société et dans le monde, que nous regrettons tous. Elles nous ont fait perdre. Du temps et des élections. Ne continuons pas !
Transformer notre mode de fonctionnement
Il n’est plus possible que nos instances délibératives ne fonctionnent pas, pire, qu’elles soient court-circuitées par une multitude de conciliabules et de tractations qui échappent à tout entendement. Le travail intellectuel et culturel des socialistes doit être radicalement ré-évalué. Les organes de recherche et de travail scientifique doivent être réhabilités. Les instances de réflexion et de concertation avec le mouvement social doivent être relancées. L’investissement dans l’activité internationale du parti socialiste doit être considérablement renforcé. L’apport, l’expérience, le gisement que nos dizaines de milliers d’élu-e-s constituent pour mieux comprendre la société et pour mieux agir en socialistes à tous les niveaux de l’Etat doivent être sérieusement valorisés. L’organisation même du parti socialiste doit être adaptée à la montée du fait régional et, plus généralement de la décentralisation.
La tâche est immense. Elle est donc passionnante. Elle est en tout cas bien plus noble que celle qui limiterait le rôle de nos instances et du futur premier secrétaire à la seule mise en musique des ambitions personnelles pour dans quatre ans…
La dynamique ne se crée pas dans l’équilibre mais dans l’engagement. C’est la condition de la clarté dans les choix, du renouveau dans les actes et de la crédibilité dans les pratiques, dans l’opposition aujourd’hui et au pouvoir le plus tôt possible.
Le peuple de gauche s’impatiente. Lassé par nos hésitations et notre auto-centrisme, ils pourrait finir par se détourner. Certains, à l’extrême gauche et au centre n’attendent que cela.
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