En guise de devoir de vacance, je livre à votre sagacité critique mon point de vue sur quelques aspects du prochain congrès socialiste. Bonnes vacances et rendez vous à la Rochelle le 29 août !
Nous sommes dans le temps des contributions. Elles viennent à peine de parvenir aux militants, quasiment au cœur de l’été. Nous voulons que ce temps soit utile pour qu’ils participent activement au débat sur les idées que les contributions permettent. Ce temps doit donc aller jusqu’au CN de septembre pour ne pas ôter aux adhérents la possibilité de peser sur les choix fondamentaux à faire. Le temps des contributions a été voulu comme un temps de totale liberté d’expression, sans vote, c’est à dire sans avoir à opérer, avant l’heure, des regroupements et des alliances. Cela, ce sera le temps des motions soumises au vote.
Les signataires de notre contribution veulent respecter le rythme du congrès et ne rien « voler » (ou amputer) à la souveraineté des adhérents. C’est pourquoi nous voulons faire vivre ce moment de débat comme un moment privilégié de vérité, non comme les préparatifs de tactiques de congrès.
La vérité exige la clarté dans l’expression des propositions. C’est particulièrement nécessaire s’agissant de la question-clé de l’identité du parti socialiste, de son fonctionnement, de sa stratégie politique et d’alliances, du rôle de sa direction collective et du premier secrétaire dans les trois années qui suivront le congrès de Reims et non pour savoir qui devra faire quoi et avec qui entre 2011 et 2012 !
Nous proposons de construire une puissante force socialiste crédible et efficace, fondée sur le réformisme assumé, qui tienne le même langage aux militants et aux citoyens sur la nature des changements profonds à opérer dans notre pays et en Europe, qui fonde la production de progrès sociaux, d’émancipation humaine, de nouvelles libertés sur une nouvelle efficacité économique et un mode de développement écologique.
Nous considérons que la gauche a impérativement besoin d’un grand parti socialiste, largement refondé et ouvert sur la société, pour enclencher une dynamique victorieuse en 2012. Nous ne croyons pas aux « constructions », empruntées au passé, d’une « fédération » type FGDS des années 60, où viendraient les communistes, les verts, les radicaux et les républicains de progrès sans un parti socialiste préalablement régénéré, cohérent, clair et rassemblé sur une orientation crédible. Nous proposons une démarche de construction simultanée d’un parti socialiste puissant en adhérents et en force électorale qui sera la base d’un « grand parti de toute la gauche réformiste », de coordination de débat et d’action avec les autres forces de gauche qui acceptent de former des majorités nationales et locales pour gouverner ensemble, de dialogue retrouvé entre acteurs sociaux, culturels et intellectuels – à tous les niveaux du pays et en Europe – pour nourrir notre relation permanente avec la société.
Dans cette démarche, nous voulons clarifier notre relation au « centre ». Nous sommes sans ambiguïté pour ancrer les alliances du parti socialiste à gauche. Le centre incarné par le MODEM n’est pas à gauche et son objectif n’est pas de la faire gagner en 2012 mais de la faire perdre. Qu’émerge un vrai centre-gauche qui s’oppose, sur le fond, à la politique de l’UMP et il pourra participer à la construction du grand parti de toute la gauche réformiste.
Pour réussir cette stratégie, nous proposons de concentrer nos efforts sur les changements très profonds que nous devons opérer dans notre fonctionnement. Nous voulons un parti de militants souverains, actifs, impliqués, plus forts en nombre et en représentation de la société dans sa diversité. Nous estimons vital de réhabiliter le travail collectif, d’en finir avec les entreprises de contournement du parti et d’extériorisation des initiatives, pire, de non respect des décisions prises. Nous voulons que les sensibilités socialistes puissent s’exprimer et participer au travail des instances. Nous voulons un parti largement décentralisé sans affaiblissement de sa force nationale. Nous ne croyons pas moderne l’idée de « balkaniser » le parti socialiste en une multitude de pouvoirs locaux, comme hier avec la SFIO.
Nous proposons donc de réhabiliter le rôle de nos instances, à tous les niveaux, d’en faire LES lieux d’élaboration, de décision et d’actions. Nous avons, nous, une ligne et les idées claires sur le rôle du futur premier secrétaire. Elle est simple, de bon sens et elle est la seule rassembleuse : de 2008 à 2012, le leadership du parti socialiste devra s’exercer dans l’opposition à la droite, en même temps qu’il devra créer les conditions de la victoire dans les élections européennes et locales et à la présidentielle et la législative de 2012. Nous avons donc besoin d’un premier secrétaire fort, chef de l’opposition, capable de s’opposer en première ligne à Nicolas Sarkozy et capable de faire travailler l’ensemble du parti pour préparer les échéances.
C’est à l’aune de ces propositions que nous examinons celles des autres contributions. Nous le faisons avec la volonté de créer les conditions d’une dynamique majoritaire fondée sur la cohérence et sur la clarté.
D’autres signataires le font aussi et c’est légitime. C’est pourquoi nous souhaitons en toute sincérité éclaircir quelques points dans le débat qui s’engage.
Faut-il que ceux qui « disent la même chose à 95% » se rassemblent sur une même motion pour le congrès ? Evidemment, dès lors que les convergences seront claires pour les militants. Le temps des contributions est fait pour cela. Certains « rapprochements » nous laissent en l’état sur notre faim par les ambiguïtés et les risques de confusion qu’ils portent. Envisager, par exemple que se regroupent pour diriger le parti ceux qui souhaitent privilégier la prééminence des pouvoirs locaux dans le parti, ceux qui estiment que l’idéal socialiste est dépassé, qu’il faut changer le nom et la nature du parti socialiste et ceux qui prônent la référence à la social-démocratie, ne nous semble pas d’une cohérence évidente.
De la même manière, proposer une majorité nouvelle, type « arc en ciel » socialiste dont seuls seraient exclus le premier secrétaire actuel et les signataires de notre contribution, nous semble n’être que la réplique aussi inefficace que confuse de ce qui s’est passé pour le congrès du Mans dont chacun garde en mémoire ce à quoi cela nous a conduit pour 2007…
Faut-il décider, pour qu’un rassemblement majoritaire soit possible, de qui n’a pas le droit d’être premier secrétaire ? Car c’est bien à cela que conduit l’exigence que le futur premier secrétaire ne soit surtout pas candidat à la présidentielle (et pourquoi pas aussi premier ministre… ?). Cette « idée », inédite dans notre histoire depuis 1971, a l’apparence du « bon sens près de chez nous » : en l’absence d’un leadership qui s’impose « naturellement », mieux vaut empêcher qu’un éventuel « présidentiable » prenne la tête du parti pour éviter un procès en légitimité présidentielle pendant 3 ans. Mais elle a une réalité ahurissante ! Celle d’installer à la tête du parti socialiste pendant 3 ans d’opposition, 3 ans de travail acharné pour construire l’alternance, une personnalité certes éminente, mais dont Sarkozy saura à coup sûr…qu’elle ne sera pas son adversaire pour le moment décisif de la confrontation démocratique. Quelle aubaine pour la droite !
Comment régler cette question ? Surtout pas en revenant 37 ans en arrière, au temps où Guy Mollet exhortait les congressistes d’Epinay « à ne surtout pas choisir une personnalité d’envergure » pour diriger le nouveau parti socialiste (où en serions-nous, chers camarades… ?). Mais en décidant collectivement quelque chose de simple, d’efficace, de démocratique : décidons tous ensemble d’élire par les militants souverains, à l’issue du vote des motions et du congrès qui désignera une majorité, celui ou celle dont nous avons besoin de 2008 à 2012 pour diriger le parti et l’opposition ET POUR RIEN D’AUTRE QUE CELA !
A lui ou à elle de faire ses preuves, d’abord dans l’opposition, ensuite dans sa capacité à faire travailler tous les socialistes ensemble, enfin à créer une dynamique de victoire et de rassemblement pour toute la gauche et toutes les forces de progrès, centre-gauche compris, et alors les socialistes sauront trancher la question de leur « présidentiable ». Comme ils sauront trancher les modalités de désignation de leur candidat, à travers un processus sur lequel nous n’avons aucun a priori mais qui ne peut découler que de l’état dans lequel se trouvera la gauche en 2011 : en ordre de marche ou, au contraire, toujours aussi dispersée. C’est notre travail collectif qui en décidera ! Pour cela, il faut une direction forte et un premier secrétaire puissant.
Au fond, d’où vient cette subite aversion pour un premier secrétaire qui pourrait, éventuellement, être également candidat à la magistrature suprême de notre pays ? Car jamais la question du leadership ne s’est posée avec autant de restrictions dans notre passé ? Elle a, convenons-en entre nous sincèrement, un aspect conjoncturel : il semble qu’il y ait des présidentiables, au moins un, qui se trouvent en ce moment empêchés et pour qui il s’agirait de « chauffer la place ». Mais elle a aussi ne dimension plus profonde : depuis 2002, le PS n’a pas réussi à régler son problème de leadership et le traumatisme que le parti et ses militants ont vécu en 2005, avec le référendum interne sur l’Europe a des effets qui durent encore. Parmi ceux-ci, il y a le fait que François Hollande s’est mis dans une situation d’empêchement de concourir à l’élection présidentielle. Et la désignation de notre candidate en 2006 n’a pas réglé dans la durée cette question.
Le congrès de Reims en 2008 devrait-il donc avoir comme nouveau préalable un nouvel empêchement ? Ce ne serait ni conforme à nos traditions démocratiques, ni à la hauteur de nos responsabilités de seule force capable de réussir l’alternance dans le système institutionnel actuel.
Les commentaires récents