FRANCE-SOIR. Vous êtes candidat aux primaires du PS, mais d’après un sondage récent seulement 1 % des Français souhaitent votre candidature pour l’instant. Etes-vous découragé ?
MANUEL VALLS. Quand on interroge spontanément les gens, ce n’est pas étonnant qu’ils fassent référence à ceux dont on cite le plus les noms. Je refuse l’idée que l’on m’impose déjà un choix comme si les primaires étaient inutiles ou jouées d’avance ! N’a-t-on pas besoin de nouvelles figures pour porter les idées d’une nouvelle gauche ? Nous avons plus que jamais besoin de projet, de propositions, et de nouvelles équipes pour les porter. Moi je suis l’outsider, le challenger !
Estimez-vous que la préparation du projet soit en bonne voie ?
J’y prendrai ma part avec un livre qui sortira fin mars, intitulé Pouvoir. Nous ne pourrons pas nous contenter de reprendre les idées des années 1980-90, les emplois jeunes ou les 35 heures ! C’est un défi majeur !
Vous proposez un pacte national pour les retraites. Comment jugez-vous les prises de position de Martine Aubry sur cette question ?
C’est parce que la question des retraites concernera des gouvernements et des majorités différentes d’ici 2050 que je propose ce pacte national. Je refuse le fatalisme qui consiste à dire que la seule solution serait de passer l’âge légal de 60 à 65 ans ou de 65 à 67 ans, comme vient de le faire l’Espagne. Mais on ne peut pas non plus se contenter de défendre le seul « âge légal de départ à 60 ans ! »
Alors, si Marine Aubry a contribué à faire bouger le débat, tant mieux ! En tout cas, on n’y échappera pas et les socialistes doivent y prendre toute leur place. En 2002 et en 2007, nous n’avons pas été clairs sur ce sujet et cela ne nous a pas aidés. Avec l’allongement de l’espérance de vie, les cycles de la vie sont totalement bouleversés entre le temps de la formation, le temps du travail, et celui de la retraite.
Le fait que le nombre d’inactifs augmente et que les comptes sociaux soient au rouge, nous oblige, — ce sera ma marque, à dire la vérité aux Français : nous travaillerons plus longtemps, il faut donc un allongement de la durée de cotisation et trouver de nouvelles ressources. Nous devons donc nous livrer à un effort de réflexion et de propositions. Si nous voulons inventer un nouveau système par répartition, le plus juste possible, il faut traiter de tous les sujets.
Evidemment, il y a des préalables, les socialistes sont tous d’accord là-dessus : la pénibilité du travail, le taux d’emploi des seniors, un des plus faibles d’Europe, et la nécessité de trouver de nouvelles ressources. Il faudra sans doute taxer davantage le capital. La Cour des comptes proposait de taxer les stock-options, cela rapporterait 5 milliards d’euros. Je suis très favorable à l’idée d’une retraite à la carte, pour que chaque Français construise sa propre retraite. La retraite par points ou le système suédois qui consiste à intégrer la pénibilité, les années de formation, les congés maternité dans le calcul des annuités sont des pistes intéressantes qu’il faut étudier. L’autre problème très angoissant, c’est le million de retraités vivant en dessous du seuil de pauvreté. La question du niveau des pensions est donc un sujet majeur.
Aujourd’hui, les Verts sont-ils une menace pour le PS ?
Je ne vois pas les Verts comme une menace. Ce sont nos partenaires. Ils incarnent des aspirations fortes des citoyens à l’égard de l’avenir de la planète ; ils correspondent aussi à une attente des gens sur la manière de faire de la politique. Pour 2012, je souhaite un accord avec les Verts, qui porterait sur la désignation du candidat de la gauche à travers nos primaires et un pacte pour le quinquennat, un contrat qui porterait à la fois sur le projet de gouvernement, mais aussi sur les circonscriptions pour les législatives.