Le PS estime qu'une loi anti-burqa risquerait de «stigmatiser» les musulmans. A t-il raison?
Manuel Valls. Non. Le port du voile intégral n'est pas une affaire de religion mais il est le fruit d'une revendication d'extrémistes qui testent la République. Le PS commet une erreur grave en associant les deux car c'est plonger nos concitoyens musulmans dans une position intenable : défendre leur religion, ce serait défendre la burqa ! C’est tout le contraire. La burqa n’est pas l’Islam. L’interdire, c’est être fidèle à la République et c’est respecter l’Islam.
Pour le PS, une loi anti-burqua serait de toute façon «inapplicable»...
Beaucoup de juristes considèrent que la Constitution peut servir de fondement à une interdiction. Le port du voile intégral trouble l'ordre public car ses utilisatrices ne sont plus identifiables. Il porte atteinte à la liberté des personnes et, plus grave encore, il est contraire à la dignité humaine. Je suis, donc, surpris que le PS renonce à l'idée d'une loi avant même de mener le combat juridique.
Dresser une amende de 750 euros d'amende est-il une bonne façon de faire?
Ca ne me choque pas. L'amende est un bon moyen de faire appliquer la loi qui doit interdire à tous les individus de cacher leur visage dans l’espace public. A ma connaissance, on est pas libre, non plus, de se promener nu dans la rue…
L'ex député européen socialiste Bernard Poignant voit dans la décision du PS «un recul sur les principes de laïcité et de dignité». Partagez vous son avis?
Bien entendu. Là où nous devrions être fermes sur nos principes, la direction du PS manque de détermination et de clarté. Comment comprendre sa position dans la lettre qu'elle a adressé à André Gérin (Ndlr : le président de la mission parlementaire sur le port du voile intégral)? Elle condamne fermement la burqa mais conclut, dans le même mouvement, qu'il ne faut pas de loi d'interdiction ! Cela révèle une nouvelle fois l'irrépressible penchant du PS pour le « ni-ni » qui nous rend inaudibles vis-à-vis des Français sur une question aussi essentielle que le «vivre-ensemble».
Etes-vous satisfait par la façon dont le PS a débattu et tranché la question?
Avant les vacances de Noël, le groupe socialiste a longuement discuté et je n'ai pas eu le sentiment qu'il s'opposait à une loi... Lors du bureau national de mardi dernier, beaucoup ont défendu l'idée qu'il était difficile de s'opposer au port du voile intégral sans s'appuyer sur un instrument juridique fort. Aucune décision n'a été prise. Je suis donc étonné par les annonces faites. Il faut une loi et je la voterai naturellement.
Finalement, assez peu de socialistes se sont prononcés publiquement en faveur de la loi...
Pas du tout. Ils sont nombreux, parlementaires et surtout maires, qui ne veulent pas être laissés seuls face à cette dérive fondamentaliste.
Ce n'est pas dérangeant pour un dirigeant socialiste d'être d'accord avec le président du groupe UMP Jean-François Copé plutôt qu'avec sa propre famille politique?
… Qui elle-même semblerait être d’accord avec Nicolas Sarkozy… Arrêtons ces jeux là ! Dès qu'il s'agit de la République, je me fiche de savoir si c'est mauvais de me retrouver d'accord avec Jean-François Copé ou d'autres. Je ne peux pas transiger quand la dignité humaine est en cause.
Propos recueillis par Eric Hacquemand