La lutte contre la délinquance a longtemps tourné à la guerre de tranchée entre la gauche et la droite. Campées l'une et l'autre sur leurs certitudes, elles ont livré, durant des lustres, un combat épuisant et stérile opposant prévention et répression. Il est grand temps désormais, pour chacune, d'abandonner ses barbelés et ses sacs de sable pour livrer une guerre de mouvement contre un fléau qui frappe d'abord, ne l'oublions jamais, les ménages modestes des quartiers populaires.
L'autorité publique souffre en premier lieu – c'est bien évident – de la faillite de l'idéal républicain. La cristallisation de ghettos urbains où sévissent l'échec scolaire, la ségrégation ethnique et le chômage de masse ont détruit l'égalité des chances et l'espoir d'ascension sociale pour des millions de concitoyens. Dès lors, il est fatal que l'autorité publique y soit affaiblie en raison de son impuissance à changer l'ordre des choses.
Mais cette cause fondamentale ne doit pas masquer les autres motifs d'érosion. L'autorité publique pâtit en effet, tout aussi gravement, des ratés de la chaîne pénale. De nombreux délinquants multiréitérants, interpellés par la police, font trop souvent l'objet d'un simple « rappel à la loi ». La multiplication de ce genre de décision mine tous les efforts de prévention déployés sur le terrain par les élus locaux et les acteurs sociaux. Elle contribue à annihiler l'autorité de la loi en développant un sentiment de totale impunité chez les délinquants.
Sans remettre en cause – d'aucune sorte – l'indépendance de la magistrature, il est aujourd'hui nécessaire de s'interroger sur les moyens de restaurer la crainte que la justice doit inspirer aux délinquants. Garantir l'exécution rapide des peines et raccourcir le délai entre la commission du délit et le prononcé de la sanction sont déjà des objectifs largement partagés.
Il semble donc opportun d'ouvrir de nouvelles pistes de réflexion sur la manière d'assurer une meilleure connaissance des juges des réalités du terrain. Favoriser l'affectation de magistrats expérimentés dans les secteurs les plus difficiles et les associer davantage aux efforts des autres acteurs garants de la prévention et de la sécurité constituent de premières hypothèses concrètes.
Renforcer la cohésion de la chaine pénale devrait être, en effet, un objectif dépassant tous les clivages partisans. Aujourd'hui, rares sont les responsables politiques pour nier que la sécurité soit à la base des libertés. De même, les querelles idéologiques sur l'origine de la délinquance s'effacent peu à peu au profit d'approches pragmatiques. Partant du constat partagé qu'un délinquant est, à la fois, le produit de lui-même et de son milieu social, la gauche et la droite s'avancent chacune sur le chemin du diptyque « mieux punir, mieux prévenir ». Lentement mais sûrement, les positions tenues au plan national rejoignent ainsi l'expérience des élus locaux, confrontés depuis des années aux mêmes problèmes, quelques soient leurs couleurs politiques.
Pourtant, l'émergence d'un consensus républicain sur ce sujet est sans cesse retardée par les grandes manœuvres et les petits calculs. A cet égard, le chef de l'Etat et sa majorité prennent aujourd'hui une grave responsabilité. Par le choix d'instrumentaliser les problèmes d'insécurité à la veille du scrutin européen, ils espèrent faire un heureux coup double : masquer leur propre échec en ce domaine et remobiliser leur base électorale. La combine est grossière mais l'Histoire a prouvé, hélas, qu'elle pouvait réussir...
Face au chiffon rouge agité par la droite, le risque est grand, en effet, qu'une partie de la gauche fonce à nouveau sous les banderilles avant de tomber sous le sabre du toréro. Amorcée à l'occasion du colloque de Villepinte en octobre 1997, la mutation de la gauche sur cette question reste encore fragile.
Si une nouvelle génération d'élus entend bien poursuivre la démarche initiée par Lionel Jospin, nombre de responsables et de militants restent trop prompts à réagir aux provocations sarkozystes. Oubliant les évidences du 21 avril 2002, ils retrouvent vite les réflexes et les certitudes de l'âge des tranchées... Je refuse, pour ma part, de regagner les abris et d'enfiler les vieux uniformes qui ne valent guère mieux, pour la gauche, que la tunique de Nessus. « A la guerre comme en politique, le moment perdu ne revient plus » prévenait déjà... Napoléon.
Élu d'une circonscription où les violences sont une réalité quotidienne, je suis tenu de tout mettre en oeuvre pour garantir aux habitants leur droit minimal à la sécurité. Depuis près de 10 ans, le Contrat Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD) d'Evry-Courcouronnes regroupe tous les acteurs dont les fonctions peuvent contribuer, directement ou indirectement, à la lutte contre la délinquance. Par delà nos différences politiques, les élus de ces deux communes veillent ainsi à la synergie des moyens en concertation avec les représentants de l'Etat. Des expériences originales y sont menées – comme en matière de vidéo-protection – et chaque jour les polices municipales unissent leurs efforts à ceux de la police nationale pour améliorer leur réactivité.
Nous nous sommes également engagés sur les terrains du combat contre l’absentéisme scolaire et de l’autorité parentale, par la mise en place d’un conseil des droits et devoirs des familles, ou encore, avec les acteurs de la communauté éducative, contre la violence au sein et autour des établissements scolaires.
Puisse ce travail partenarial mené au niveau local servir de laboratoire au plan national ! La sécurité n'est ni de gauche, ni de droite ! Elle est la première clause du contrat social par lequel les hommes renoncent à la violence de l'état de nature.
Ainsi, la création d'une nouvelle infraction pour participation à une bande violente pourrait combler utilement une lacune du droit. L'actuel délit d'association de malfaiteurs ne recouvre pas, en effet, l'ensemble des violences et des infractions commises par des groupes qui gèrent leurs territoires comme un marché de drogue. Pour y préserver leur monopole, ces bandes recourent aux règlements de compte utilisant marteaux, barres de fer, armes blanches, avec la volonté évidente de blesser et de tuer. Cette question est donc suffisamment sérieuse pour justifier d'être débattue, sans a priori, lors de la prochaine discussion de la proposition de loi déposée par Christian Estrosi.
A l'Assemblée nationale, mon vote ne pourra donc jamais avoir d'autres critères que celui de l'efficacité des mesures présentées contre la délinquance.
Cette fidélité à l'action peut exposer à l'incompréhension des siens et aux procès d'intention des malveillants. Il a pourtant pour seul fondement la volonté d'honorer la confiance accordée par nos concitoyens pour résoudre leurs problèmes. Et je ne doute pas que nous serons un jour nombreux, à gauche, assez sûrs de nous-mêmes et de nos valeurs pour nous élancer hardiment hors des tranchées et des sentiers battus.
Voilà une mise au point claire, constructive et équilibrée. Si je partage grandement tes analyses, je me permettrais néanmoins de porter l'attention sur trois éléments qui me semblent essentiels:
1/ Il ne faut jamais oublier qu'en général, n'en déplaise à certains criminologues, le délinquant est avant tout le résultat de son déterminisme social, mais qu'il peut évoluer favorablement si chacun des intervenants lui en donne REELLEMENT la possibilité. Il ne peut s'agir uniquement de responsabilité individuelle et de libre arbitre, et c'est bel et bien le rôle de la puissance publique de limiter les effets pervers de ce déterminisme.
2/ Dès les premieres alertes, tout doit être mis en oeuvre pour endiguer la spirale de la réitération des actes de délinquance en privilègiant au maximum la prise en charge éducative, psychologique et sociale de l'intéressé et de son environnement tout en favorisant dans la mesure du possible la réparation ou l'indemnisation du préjudice autrement que par l'emprisonnement ferme.
3/ Si sanction il doit y avoir, même grave, elle doit toujours être rapide (j'ai pas dit expéditive ...), graduée et comprise, et ne pas compromettre les possiblités d'insertion ou de réinsertion de celui contre lequel elle est prononcée. Dans ce domaine, comme dans d'autres, le plus n'est certainement pas l'ami du bien et toutes les études montrent que l'efficacité d'une peine d'emprisonnement n'est pas proportionnelle à sa durée, mais plutôt à son contenu.
Olivier POST - militant socialiste -
Rédigé par : olivier d'Evry | lundi 01 juin 2009 à 16h23
Manuel,
Je m'exprime rarement ici. Pour autant, puisque, courageusement, nous dépassons ensemble, depuis 9 ans, les clivages habituels, et que le situation, malgré nos efforts communs, constants et nombreux, aboutissent aujourd'hui à une impasse, je voulais réaffirmer ici mon soutien à ta tribune.
J'en partage les grandes lignes et, tout autant que j'attends de ton camp qu'il finisse, en la matière, sa révolution culturelle, à ton image, j'attends du mien qu'il fasse preuve de davantage de pragmatisme, de réalisme plutôt que, parfois, d'affichage et de com' !
Nos habitants, victimes de ces abrutis qui polluent le quotidien de milliers d'habitants, ne sont ni de gauche ni de droite ; et n'attendent pas, notamment sur ces questions, des querelles doctrinaires stériles. Ils veulent des réponses ; après avoir fait le maximum localement, nous aussi !...
Rédigé par : stéphane Beaudet | lundi 01 juin 2009 à 18h06
Villabé n'a certes pas atteint le niveau de violence des communes de Courcouronne et d'Evry, cependant, ici aussi les voitures brûlent, les effractions s'accumulent... A l'occasion de notre dernier Conseil Municipal, j'ai conseillé à notre Maire, Madame MAGGINI, de se rapprocher d'un Contrat Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD). Alors en pleine réflexion sur l'intercommunalité peut-être avons nous des pistes, des solutions communes sur l'insécurité ?
Rédigé par : DIRAT | lundi 01 juin 2009 à 21h48
Et sur le fond, que pensez-vous de cette nouvelle infraction qu'Estrosi veut créer ?
Vous rendez-vous compte que la définition de cette infraction en fait un délit d'intention ?
Une personne qui traînera avec un groupe pourra être sanctionnée pour le seul fait d'avoir fait partie du groupe sans avoir a aucun moment commis une infraction, instaurant ainsi une forme de responsabilité pénale collective.
J'ai du mal à croire que le Code pénal ne permette pas de sanctionner ces comportements délinquants.
Valls, vous n'êtes certainement pas Républicain, paradoxalement.
Rédigé par : Antoine | mardi 02 juin 2009 à 10h36
"Celui qui cherche la vérité, connaîtra la lumière!"
Bravo Monsieur Valls.
Rédigé par : Olivier C. | mardi 02 juin 2009 à 13h32
M. le député-maire,
je salue particulièrement la position qu' à l'Assemblée nationale, vote vote ne pourra jamais avoir d'autres critères que celui de l'efficacité des mesures présentées contre la délinquance.
Cette posture est en effet le signe de votre très grande intelligence.
Salutations dévouées.
Rédigé par : André Guidi | mardi 02 juin 2009 à 16h03
Quand un élu laisse sont esprit partisan au placard, c’est la France qui avance !
Rédigé par : David Nadaud | jeudi 04 juin 2009 à 15h50
C'est très bien se prononcer contre le cumul de mandats mais pourquoi certain le font et d'autres ne restent que dans la déclaration?
Parce que le bla bla est toujours plus facile!!
Rédigé par : jrg | samedi 29 août 2009 à 14h38